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Voyage nocturne

Najati Al-Bukhari

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L’idée de l’opération qui ma mère aurait dû subir m’a donné une petite lumière d’espoir pour la sauver. Le temps, me dis-je, était l’élément le plus important et déterminant dans la lutte contre le monstre. Moi, le temps et le mal qui a attaqué ma mère, étions dans une course sévère et exténuante. En réalité nous aurions dû être dans cette course il y a longtemps.

L’opération était la seule et peut-être la dernière bataille en ce qui concernait la destinée de ma mère, me raisonnai-je. L’hôpital de notre médecin était la première chose qui passa par la tête à ce moment-là quand ma mère me regardait. Un autre hôpital se trouvait dans notre Cité qui était établi depuis longtemps, peut-être au début des années trente, par les Italiens. Pourtant, je préférais l’hôpital de notre médecin à cet hôpital étranger sans savoir pourquoi.

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-Mère, il faut que nous allions à l’hôpital tout de suite. Parlai-je en hésitant. Rien n’est certain. Mais il faut que nous allions à l’hôpital sans retard.

-Pourquoi l’hôpital? Me demanda ma mère. Est-ce qu’il y a quelque chose sérieuse? Dis-moi la vérité,

Mon fils.

En m’adressant les derniers mots, ma mère parlait dans une voix très basse, faible et même étouffée, comme si elle ne voulait pas savoir la vérité.

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L’atmosphère dans l’antichambre de la clinique devint lourdement tendue et chargée de peur. Nous les deux ne savions pas comment nous communiquer. Le monstre était parmi nous, ou plus précisément dans les entrailles de ma mère, dans cette partie de son corps où j’étais crée du rien jusqu’à ce que mon coeur commence à battre ... où tout mon corps se nourrit de celui de ma mère. Je sentais pour la première fois que j’étais aussi menacé qu’elle. C’était où je vécus pour neuf mois que le monstre a choisi à s’installer. Je me demandais si ce monstre était vraiment dans le petit monde où j’habitais la plus importante période de ma vie.

-Mère, l’opération est indispensable, inévitable ...c’est une exploration dans le monde de l’inconnu. On va faire l’opération pour vérifier la nature et la magnitude de votre maladie. C’est tout ce que je peux vous dire maintenant. Le médecin m’a conseillé de vous emmener à son hôpital le plus tôt que possible. J’ai pris la décision de vous amener tout de suite à cet hôpital sans aller chez nous. Mon père est maintenant, comme d’habitude, très occupé pour gagner le pain quotidien de la famille. Ma soeur cadette, peut-être et comme d’habitude, est-elle en visite sociale chez ses amies. Ma soeur aînée s’occupe depuis longtemps de ses enfants et ne nous visite pas. Mon demi-frère ne nous a jamais visité, tandis que mon frère cadet est une sorte d’un robot et ne sais rien en ce qui concerne la vie et la mort.

-Je bien sais les informations que tu venais à me raconter. J’accepte sans réticence ce que tu as l’intention à faire. Je suis sûre que tu sais tout, rien ne t’échappe. Tu es un fils sage et béni. Tu ne connais que le chemin droit. Conclut ma mère.

Un silence pesant et stupéfiant dominait l’antichambre. Nous regardions sans dire aucun mot. Mais peu d’instants après des larmes écoulaient des yeux de ma mère pendant que je la regardais. Son visage portait tout soudain toute l’angoisse du monde entier. Je me demandais si j’avais dit quelque chose qui l’ennuyait. Pas de tout. Je ne dis rien bizarre ou insolite. Ma mère interrompue abruptement le silence en disant comme si elle sanglotait:

-Et la fleur dans l’oasis, ma brebis, ma chère fille, ma préférée.

C’était la troisième soeur qui était alors mariée depuis plus de vingt ans et s’en alla au nord pour habiter l’oasis. Elle était la préférée de ma mère et avait l’habitude de nous visiter dans la Cité de l’Amitié Fraternelle une fois par an. Elle était très attachée à ma mère. J’ai découvert ma faute, car j’avais oublié de faire de référence à cette bergère sage, sa brebis préférée. (Plus tard, dans les années soixante dix, le même monstre qui a atteint ma mère et la rongeait sauvagement, avait frappé aussi cette soeur. Elle se céda au destin aveugle dans le même âge que ma mère.)

-La fleur (c’était le prénom de ma soeur d’oasis), la fleur, oui ma mère, je l’ai oubliée, peut-être parce qu’elle est très loin, dans l’oasis avec ses enfants. Pardonnez-moi ma mère pour l’avoir oubliée. Peut-être, après l’opération la fleur viendra-t-elle chez nous avec ses enfants en une visite de quelques jours. Ma mère, après l’opération tout sera arrangé, ne vous inquiétez pas.

-Je sais que tout sera arrangé tant que tu sois avec moi. Tout va bien, j’en suis sûre. Répondit ma mère.

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Cette impression de la part de ma mère, que je savais tout, ne m’étonnait pas. Car dans l’époque où ces événements se déroulèrent on pouvait trouver dans la même famille des membres qui étaient hautement éduqué, quelques-uns des jeunes gens, et des membres qui ne fréquentaient jamais les écoles. Les deux générations cohabitaient sous le même toit. La première génération pensait que la deuxième avait dans la tête toutes les connaissances nécessaires pour résoudre n’importe quel problème et par conséquent pour sauver le monde. Bien entendu, il y a eu des variations dans cette classification d’une famille à l’autre. Moi-même, étant plus ou moins hautement éduqué, encourageais ma mère avoir la confiance en moi, et c’était pourquoi elle a dit que je savais tout. Cependant, et en réalité, à ce moment-là, je sentais complètement perdu, ne sachant quoi faire.

Ce moment fut inoubliable. Je ne l’oublierai jamais. Une sensation étrange m’envahit, qu’il y a un espoir, une chance, pour sauver la mère. La probabilité dont le médecin me parlait se présentait à moi comme une chose possible ... possible, mais pas nécessairement dans l’endroit, le lieu, où nous étions, mais ailleurs, ailleurs, dans un endroit un peu loin d’où nous habitions, moi et ma mère. Je me demandais si l’hôpital de notre médecin était vraiment le meilleur choix dans le pays. Même, je me posais une question à propos de la disponibilité d’un chirurgien hautement qualifié et capable de faire l’opération requise dans cet hôpital de la Cité.

Tout à coup une idée comme un rai de lumière passait à la tête. La Sainte Maison, la Demeure de la Sainteté, La Sainteté, au delà de la vallée, au delà de la Mer Morte, pourrait sauver ma mère. Cette ville Sainte, en existence depuis l’éternité, debout sur son plateau comme une jolie fille, souriante toujours, pourrait sauver la mère.

Cette ville Sainte, le lieu de l’Ascension Nocturne de notre Prophète, où réside dans son coeur le noble Sanctuaire, je la connaissais depuis le printemps de ma vie quand j’étais un enfant qui accompagnait fréquemment son père dans ses voyages commerciaux ou quand j’étais un élève dans une des écoles de sa banlieue. Combien de fois je m’y errais, solitaire dans le Mont d’Olives en regardant et contemplant l’infini devant moi s’étendant jusqu’à la profondeur du ciel. Combien de fois je m’assis au pied de sa muraille magnifique qui l’encercle pour quelque temps qui me semblait l’éternité, en contemplant la sérénité des petits sentiers sinuant mélodieusement devant moi ... jusqu’à l’ivresse et l’extase divines.

Je me dis qu’il y avait au sommet d’une des collines de la Sainteté un hôpital très connu. Pour quelque temps je me sentis perdu et hésitant de prendre une décision. Entre les deux cités, celle de l’Amitié Fraternelle et celle de la Sainteté je devais en choisir une. Je n’avais pas discuté le sujet du choix entre les deux villes avec ma mère qui me regardait en rêvant. Le temps et la distance qui auraient dû être considérés comme des éléments favorisant la Cité de l’Amitié Fraternelle ne me présentaient aucunement.

Pendant que nous, ma mère et moi, étions dans le monde de rêve, un appel me vint exigeant de voyager vers la Ville Sainte au delà de la rivière et au delà de la Mer Morte. Là-bas, peut-être, me dis-je, l’hôpital et le ciel, la science et la sainteté pourront-ils faire ensemble un miracle pour sauver ma mère.

-Mère, allons à la Sainteté, à la Demeure de la Sainteté, j’ai un sentiment très fort que là-bas au seuil du Paradis notre salut se réalisera. Allons au Noble Sanctuaire.

Ma mère, en m’écoutant, me donnait un sourire étrange et me dit.

-Comme tu voudras, comme tu voudras, allons à la Demeure Sainte. Je me sens, fils, du moment où tu as mentionné la Sainteté, que nous sommes dans un beau rêve. Pourtant, mon fils, la distance entre nous et la Ville Sainte est plus ou moins longue et je serai fortement loin de la famille dans l’hôpital là-bas.

-Qu’importe la distance et la famille. Je serai avec vous jour et nuit. Je ne vous quitterai pas, même un moment. N’oubliez pas que là-bas vous serez au sein de la Sainteté, lui dis-je.

-Ne me parle pas comme ça, mon fils. M’interrompu ma Mère. Je ne comprends pas ce que tu viens à me dire. Je me sens que je suis déjà morte, ou est-ce que je suis ... nous sommes, dans un rêve?

Au dehors, le soleil se mit à coucher. A travers la fenêtre je pouvais voir que l’horizon était rempli de couleur d’un crépuscule sinistre. Par miracle, le petit moineau qui s’écrasa depuis quelque temps sur le rebord de la fenêtre n’y était plus. Au fond de l’horizon je le voyais saignant et frappant ses ailes en volant vers l’ouest où le soleil après peu de temps avait disparu au sein de la Sainteté.

Je frottais les yeux pour mieux voir ce que me semblait comme un miracle, miracle, la Résurrection. ‘Est-ce que nous sommes au temps des miracles?’ Me demandais-je, ou ce n’était qu’un rêve ... loin de la vie réelle, loin de la réalité ... un rêve, je vivais probablement dans un rêve.

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